Le big bang du post-salariat
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Uberisation de l'emploi, auto-entreprenariat, portage salarial, externalisation, économie collaborative... Avec la révolution numérique, un nouveau monde du travail est en train de prendre forme, loin du salariat « à la papa ». Mais ce basculement d'envergure pose de nombreuses questions. Un nouveau contrat social est incontestablement à penser.
Pour l’heure, 90% des travailleurs français sont encore salariés. Mais ce chiffre ne devrait pas faire long feu. Ainsi, comme l’annonce l’économiste Jean-Marc Daniel, d’ici 50 ans, plus de la moitié des travailleurs seront indépendants. Le mouvement est en marche. Le nombre de non-salariés a ainsi bondi en France de 26% entre 2006 et 2011 selon les dernières statistiques disponibles de l’INSEE. Aux Etats-Unis, 40% des emplois créés depuis 2011 sont des postes non-salariés. Quelque soit le nom dont on l’affuble – uberisation, économie collaborative – ce basculement, porté par le numérique et les possibilités qu’il offre, redéfinit profondément le monde du travail tel que nous l’avons connu au 20e siècle. S’engager sur le long terme, être fidèle à une entreprise, cotiser pour sa retraite et être socialement protégé tout au long de sa carrière… autant de choses que les plus jeunes générations ne connaîtront certainement pas.
La première question qui se pose, avec le développement de formes de travail plus flexibles et court-termistes, est sans nul doute celle de la stabilité des revenus. Dans un monde où il sera plus facile de trouver un client qu’un emploi, où les engagements seront certes libérés de la tutelle d’un « patron » mais par essence temporaires, voire irréguliers, comment s’assurer de rentrées d’argent pérennes ? Comment obtenir un prêt, par exemple, avec des revenus erratiques ? Selon l’ingénieur et énarque Nicolas Colin, auteur d’une tribune sur le sujet, il faudra s’inspirer du modèle des intermittents du spectacle, le travail devenant en effet lui-même de plus en plus intermittent.
Pour d’autres, le salut réside dans la création d’un revenu universel, accordé à tous et financé notamment par une augmentation de la fiscalité, la disparition de nombreuses allocations et une taxe sur les entreprises. Nombreuses sont aujourd’hui les figures publiques à soutenir cette idée, des indignés espagnols à Arnaud Montebourg, en passant par les écolos français. Cette question, de la stabilité des revenus de chacun, rejoint celle de la stabilité des recettes de l’Etat, et de la bonne tenue de sa mission de protection sociale. Pour le dire vite, l’uberisation du travail fait en partie disparaître la base taxable sur laquelle reposent les impôts, mais aussi la CSG et les cotisations sociales. Ainsi est-il aujourd’hui question de taxer les revenus tirés de l’économie collaborative. Enfin, c’est le droit du travail, centré sur le contrat de travail, qui devient obsolète. Lui aussi, doit être repensé pour se focaliser davantage sur les droits de l’individu.
L’ancienne ministre Les Républicains Nathalie Kosciusko-Morizet a défendu récemment l’idée de créer « un seuil de dépendance économique » à partir duquel une entreprise qui fait travailler régulièrement un indépendant doit lui octroyer des droits, comme des congés payés ou des RTT. La piste d’un « compte social unique », attaché à la personne, quel que soit son statut, a aussi été évoquée. Ce compte pourrait regrouper toutes les assurances d’un individu (chômage, santé, retraite, formation). Le revenu universel est, lui, entré définitivement dans le débat public, le Conseil National du numérique, en février dernier, plaidant même sa cause dans un rapport rendu au Premier Ministre. Autant de signes révélateurs d’une prise de conscience d’un mouvement en marche et du bouleversement sans précédent en cours dans le monde du travail.
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