Guillaume ARDITTI , Founding Partner at Belvedere Africa Partners
Club Angels : Quels sont les enseignements que le secteur de l'investissement va tirer de cette crise ?
Guillaume ARDITTI : La crise a deux conséquences :
Sur le court terme, la fragilisation d’une situation économique qui était déjà instable, avec la nécessité de gérer une très forte volatilité sur les marchés, et d’intervenir en urgence sur un certain nombre de sociétés en portefeuille, afin d’éviter que des incidents de liquidités ne se transforment en accidents définitifs.
Sur le long terme, une augmentation du risque géopolitique européen exacerbé par la crise. Alors que la géopolitique était devenue un élément "étranger" pour les investisseurs européens, qu’ils ne considéraient exister que sur les marchés émergents, son retour s’est amorcé avec le Brexit. Sa présence va désormais se renforcer, et ce de façon plus pérenne.
Les investisseurs vont donc devoir se protéger contre la volatilité à travers une plus forte exposition à des actifs réels, particulièrement avec du non-côté, et renforcer leur stratégie de diversification géographique.
CA : Comment cette crise impacte les stratégies d’investissement, particulièrement sur le continent Africain ?
GA : Contre-intuitivement, une fois l’effet de sidération passé, le continent africain pourrait bénéficier de cette crise. En effet, contrairement à tout ce qui avait été annoncé au début de la crise, la catastrophe n’a pas eu lieu. C’est la résilience du continent qui est avant tout ressortie. Bien des pays africains ont une longue expérience dans la gestion de pandémies extrêmement létales comme Ebola. Pour la première fois, on entend de la part de non-spécialistes des commentaires avec des à priori positifs, loin des images habituellement véhiculées sur le continent.
Nombre de marchés africains offrent désormais un profil d’investissement en dehors des extrêmes habituels que sont « l’aide » d’un côté, et « le haut-risque/haut rendement » de l’autre. Avec un risque politique tendanciellement à la baisse depuis 20 ans et avec le besoin de financer l’économie réelle dans des secteurs structurants (infra, logistique, telco, énergie et renouvelables…), les investisseurs sont à même de trouver des profils de risque conservateurs avec des rendements stables, tout en assurant une diversification géographique de leurs portefeuilles.
Ces perspectives pourront se transformer en opportunités si les tendances naturelles à l’attentisme et à la gestion de court terme (que provoquent une crise) sont combattues. Plus on est en crise, plus il faut d’audace pour saisir les opportunités, alors même que c’est à ce moment qu’elles sont le plus visibles. Il faut espérer que la crise actuelle ne soit pas suffisamment violente pour causer des dommages irréparables et qu’en même temps elle redonne une culture pour l'appétence au risque et à son indispensable gestion – qui ont eu tendance à s’éloigner ces dernières années.
"Contre-intuitivement, le continent africain pourrait bénéficier de cette crise, une fois l’effet de sidération passé. En effet, contrairement à tout ce qui avait été annoncé au début de la crise, la catastrophe n’a pas eu lieu, et c’est la résilience du continent qui est avant tout ressortie"
CA: Ces perspectives peuvent-elles apporter de nouvelles opportunités d'investissement en Afrique?
GA : Absolument, il y a une unanimité au sein de la communauté internationale, comme au sein de celle des affaires, sur la nécessité de favoriser le développement du continent et le besoin de trouver des relais de croissance. L’ Afrique fait face à un gap de financement qui croît, à la fois en raison de sa croissance et en raison des limitations de son système financier actuel. Si le Private Equity va présenter des opportunités pour de belles prises de participations, son profil risque/rendement et sa volatilité restent élevés. En revanche le marché de la dette privée est quasi-inexistant et répond parfaitement aux besoins des entreprises. Coté investisseurs c’est l’opportunité de se positionner sur des profils de risque conservateurs, stables et avec des espérances de rendement ayant toutes les chances de se réaliser. Quand bien même moins ambitieuses, ces dernières se calculent en multiples de rendements de deals européens comparables : par exemple là où un deal intra-européen rémunère 3% ans sur 20 ans une transaction similaire peut se situer à plus du double, avec des structurations financières solides - et rester largement supérieur au high-yield européen.
CA : Quelques points d’actualité que vous souhaiteriez partager avec les membres du Club Angels HEC Alumni ?
GA : Belvedere Africa Partners est née de la volonté d’apporter une expertise en structuration et en levée de financement pour des projets en Afrique, accompagnée d’une vision géopolitique de l’environnement dans lesquels ces projets se trouvent.
Cela nous a naturellement amenés à creuser les problématiques de gap de financement sur le continent, et à affiner notre appréciation des besoins des porteurs de projets et des investisseurs. Nous travaillons actuellement à les aligner, et sommes convaincus que le développement de fonds de dette privée pour financer des actifs réels sur le continent présente un très beau potentiel pour les investisseurs.
CA : Nous vous remercions Guillaume pour votre vision innovante sur les financements alternatifs en Afrique.
C'est avec grand plaisir que nous organiserons donc une soirée Afrique au siège de HEC Alumni afin d'échanger avec les membres du Club Angels.
Propos recueillis par Marlyne Scotto di Mase, Club Angels HEC Alumni