Faut-il avoir peur de l'échec ? Par Sophie Martin-Monnier (H.85)
Quand on sort d’HEC, l’école de la réussite, l’échec n’est clairement pas un objectif. Pourtant, la plupart des décideurs, y compris les plus prestigieux, ont essuyé des revers. Et ces épisodes, trop souvent occultés, sont riches d’enseignement. Si l’échec est difficile à reconnaître mais nous apprend tant, il serait peut-être temps d’apprendre à l’oser.
Le droit à l’erreur
Dans L’échec entrepreneurial, par-delà le tabou , Anne Brunet-Mbappe parle d’échec « dès lors que le résultat d’une action n’est pas celui attendu et qu’il en ressort une profonde insatisfaction ». L’échec est donc lié à des faits mais aussi à une perception personnelle, le « sentiment d’échec ». Échouer peut générer alors une émotion de honte, de culpabilité ou d’humiliation. En effet, « rater » est souvent assimilé à « être » un raté, et l’échec d’un projet se confond avec celui de la personne qui l’a mené. Il peut être vécu comme une fissure de notre carapace identitaire, de notre image sociale.
Plus nous sommes dans la perception d’une image idéale non ajustée, plus l’échec risque de faire mal. Or, l’homme naît inachevé. Les deux mille fois en moyenne où un enfant tombe avant de marcher sont un exemple de l’apprentissage par l’échec.
L’échec et ses vertus
Dans son ouvrage Les Vertus de l’échec (Allary Éditions, 2016), le philosophe Charles Pépin (H.97) évoque trois principales vertus.
La vertu de compétence, d’humilité, qui est le fondement de la science et des progrès. James Dyson reconnaît lui-même qu’il a créé 5 127 prototypes de son aspirateur, soit 5 126 essais qui ont échoué pendant quinze ans.
La vertu de bifurcation : l’échec pousse à emprunter un nouveau chemin.
La vertu d’audace : il est moins douloureux d’échouer dans un projet que de ne rien tenter. En nous permettant d’oser l’échec, d’ajuster le chemin et de se confronter à la réalité avec humilité, l’échec nous permet d’apprendre plus vite et mieux que par le succès.
Comme l’enfant qui trébuche, l’échec serait donc une étape nécessaire pour mieux réussir et grandir.
Apprendre à échouer
L’échec est parfois si douloureux que nous préférons faire l’autruche ou rejeter la faute sur l’autre, voire les autres. Mais une telle attitude empêche de tirer les enseignements de nos déconfitures, et nous risquons de recommencer sans cesse les mêmes erreurs.
Comme le dit Tal Ben-Shahar dans L’ apprentissage de l’imperfection (Pocket, 2011), « si l’on n’apprend pas à échouer, on échoue à apprendre ». Apprendre à échouer, cela veut dire avoir le courage d’analyser les faits et de distinguer la part de cet échec qui tenait au contexte, aux circonstances ou à l’environnement. Et la part de responsabilité qui nous incombe directement. Plus une personne sait et accepte qu’elle est vulnérable et qu’elle peut se tromper, plus ce travail d’analyse sera facilité et plus elle pourra faire « le pas de plus ».
En acceptant l’échec, les émotions douloureuses et aussi les succès, l’acceptation de la réalité devient possible. Nos ratés nous permettent non seulement d’apprendre à mieux agir, mais ils nous permettent aussi de nous rapprocher des autres et de nous-même. Ancrés dans le réel, nous pouvons alors innover, avancer et grandir.
À l’heure de la complexité, de l’imprévisible et du vaste chantier d’une économie décarbonée, ne serait-il pas salutaire de changer de regard sur l’échec, à titre personnel et collectif ?
Par Sophie Martin- Monier (H.85).
Coach certifiée et membre de l’équipe de coachs du service HEC Life Project « Coaching Access », elle est spécialisée depuis dix ans dans l’accompagnement professionnel au sein de la société Cressens (www.cressens.com). Elle est aussi bénévole pour l’association 60 000 rebonds qui accompagne les entrepreneurs qui ont fait faillite.
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