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Portrait inspirant. Evelyne KUOH "Nous sommes dans une époque qui incite aux changements imprévus et perpétuels"

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HEC We&men

07.11.2016

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Présidente du groupement HEC au Féminin et fondatrice d'Executiveart, Evelyne est une femme emblématique de notre association. Il semblait tout naturel de commencer notre série de protraits inspirants par quelques mots sur sa vision de l'entreprise au futur. 


Comment décririez-vous votre trajectoire jusqu'à ce jour? (Voir aussi sur Linkedin)
J’ai commencé ma carrière dans le groupe Pechiney, choisissant l’industrie pour découvrir la production et apprendre les méthodes d’un grand groupe. Vingt années d’expérience entre la France et l’Afrique, dans des fonctions marketing stratégique, puis opérationnelles en Management et Développement d’activités B to B à forte valeur ajoutée, m’ont formée à la gestion de projets complexes et transverses. Le tournant des années 200 et le formidable appel d’air qu’ont été les premières start-ups de l’Internet (avant la bulle) ont été un déclencheur dans mon changement d’axe. J’étais en demande de projets nouveaux et j’ai saisi l’opportunité d’être enrôlée dans un projet e-procurement très innovant, réunissant en Californie les plus grosses entreprises minières et métallurgiques mondiales, avec l’ambition de lancer les services à forte valeur ajoutée du futur, prémisses des SaS, enchères inversées. Structure agile, innovation en mode start-up, fluidité des échanges, cette mission devait changer ma perception du temps de développement d’un produit. Difficile de revenir ensuite dans un département plus traditionnel. Cela a signé mon départ vers d’autres sociétés à taille plus humaine (éditeur de logiciel, start-up de géolocalisation…). Passionnée par l’innovation de service, et la création de nouvelle proposition de valeurs, j’étais motivée par l’idée d’inventer le futur et participer à la définition d’un nouveau monde.

Ces changements n’étaient pas sans risque. Je craignais de perdre en performance le temps de l’apprentissage de nouveaux marchés. La notion de réussite était alors beaucoup plus codifiée qu’aujourd’hui. Evoluer vers de plus petites structures n’était pas forcément perçu positivement.
 
En parallèle, je développais d’autres explorations : apprentissage du chant lyrique, collaboration avec une ligne de recherche de la la Sorbonne qui explore, produit, et reconfigure les interactions entre art, économie et société, le tout en donnant des cours de management stratégique à Dauphine. Peu à peu, j’en suis venue à réaliser qu’il y a des synergies riches en art et entreprise. Les artistes devenaient pour moi détecteurs de signaux faibles et  source d’inspiration pour questionner le monde professionnel.  

Comment imaginez-vous poursuivre votre carrière ?
Nous sommes dans une époque qui incite aux changements imprévus et perpétuels. On ne peut plus demander à un recruteur « quel sera mon plan de carrière dans votre entreprise ? ».
J’ai envie de continuer d’avoir envie. Et de découvrir plein de nouvelles choses. Actuellement, je suis fascinée par le monde des start-up et de la transformation digitale. Mon rôle d’investisseur me permet d’apprendre beaucoup sur ces sujets, mais je pourrais tout autant reprendre un rôle plus opérationnel. L’avenir le dira…

Pensez-vous avoir besoin de développer de nouvelles compétences pour le futur ? Lesquelles ? Pourquoi ?
Le digital est la grande révolution qui va changer le monde. Et pour développer ses compétences, il faut avoir l’humilité d’accepter le reverse mentoring : apprendre des plus jeunes. En fréquentant des nouveaux écosystèmes on peut aussi acquérir de nombreux savoirs par capillarité. Ou pourquoi pas se faire coacher ou auto-apprendre via les MOOC par exemple.
En ce qui me concerne c’est par la pratique et l’expérimentation que j’apprends le mieux. C’est d’ailleurs une notion clef pour moi. J’ai appris par le chant qu’on n’intègre de façon durable que ce qui passe par le corps.
 
Comment qualifieriez-vous la vie en entreprise aujourd’hui par rapport aux étapes précédentes ?
Je suis fascinée par l’intelligence collective, les fonctionnements en réseau, en écosystèmes qui partagent des problématiques et des savoirs faire. C’est une attitude native chez l’artiste et elle se répand aujourd’hui dans le monde des start-up. Je suis une partisante du décloisonnement et cela est en train de toucher aussi les grandes entreprises qui font collaborer plus activement les services sans silo.
 
Comment définiriez-vous un bon manager aujourd’hui ?
L’entreprise de demain à besoin d’authenticité. Je crois davantage au recrutement de profils atypiques que dans le clonage. C’est d’ailleurs ce qu’a bien compris le luxe en intégrant par exemple des créatifs et autres profils atypiques parmi leurs équipes dirigeantes.
L’humain prend une place de plus en plus prépondérante, en particulier pour les jeunes générations. Le manager authentique a envie de faire grandir les gens de son équipe. Il accepte l’inversion ou l’alternance des rôles. C’est la jazz qui m’a appris l’importance du followership, tout autant que du leadership. C’est une vraie capacité que d’animer et aider les autres en étant tout aussi supportif qu’inspirant.

Comment évaluez-vous la place des femmes dans l’entreprise aujourd’hui ? Et par rapport au passé ? Et dans votre entreprise ? Qu’est ce qui a bien changé, qu’est ce qui doit encore changer ?
Il y a une asymétrie persistante à l’accès aux fonctions de pouvoir et aux instances dirigeantes. Il ne faut pas lâcher l’objectif de parité. Si on s’approche des 40% de femmes dans les Conseils d’administration des entreprises du CAC40 et du SBF 120, on ne compte encore que 10% de femmes dans les comités exécutifs du CAC 40. Et ces chiffres sont l’arbre qui cache la forêt, puisque la plupart des entreprises sont des PME où les objectifs de féminisation restent à fixer.

Nous n’avons pas à choisir entre « challenge » et « balance ». L’harmonie dans sa vie ne doit pas nous faire abandonner la volonté d’acquérir ces postes de décision qui insufflent la mixité nécessaire aux entreprises. Les changements offerts par les nouveaux business, les nouvelles technologies, les cultures contemporaines sont des opportunités de rééquilibrage qu’il faut saisir.
L’égalité salariale femmes/hommes à compétences et postes similaires, reste aussi à réaliser. Je suis choquée que le rapport de situation comparée, qui était un outil pertinent pour déceler les inégalités, ne soit plus distinct en entreprise. C’est le risque de présenter un bilan social sans aborder les différences de traitement entre hommes et femmes. J’aimerais par exemple qu’on surveille l’incidence du travail à domicile et le risque de voir les femmes être à nouveau stigmatisée par ces choix. J’avoue que je suis d’avantage favorable à la culture de certains pays dont l’ensemble des salariés finissent leur journée de travail plus tôt, sous peine même d’être reconnu de manque de performance s’ils restent trop tard au bureau….
 
Une phrase qui a pu vous choquer en tant que femme (ou concernant les femmes) dans l'entreprise ?
Je me souviens avoir entendu de la part d’un N+2, « elle n’a pas besoin de son salaire pour vivre ». Un doute sur mon investissement dans l’entreprise, comme si j’étais de passage. Au lieu de prendre un rôle de mentor ou de support, il semblait clairement dire qu’il n’avait pas de raison d’investir sur moi uniquement parce que j’étais une femme.
 
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