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Trouver sa ligne de crête. Et si notre travail avait le pouvoir de (nous) faire du bien ?

HEC Life Project - Blog

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05.04.2022

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Trouver sa ligne de crête 

Et si notre travail avait le pouvoir de (nous) faire du bien ?

Concilier impact social, rentabilité, sens et épanouissement personnel dans son job ? Difficile, mais pas impossible : les riches et inspirants partages d’expérience du Festival HEC Life Project “Work for Good” qui s'est tenu les 4, 5 et 6 avril 2022 et a rassemblé près de 200 participants le démontrent.

C’est l’histoire d’un alignement exemplaire. En 1985, de retour du Sénégal, Michel Lescanne, un jeune ingénieur de l’agroalimentaire, fonde, près de Rouen, l’entreprise Nutriset pour combler les carences alimentaires infantiles dans les pays pauvres. Près de 40 ans plus tard, l’entreprise, devenu un groupe pluri-national présent avec des unités de production dans 12 pays, nourrit 10 à 12 millions d’enfants par an grâce à Plumpy’Nut et à ses solutions dérivées, une pâte énergétique qui a révolutionné la lutte contre la malnutrition infantile dans le monde. 

Ce succès a aussi favorisé l’émergence d’un réseau de producteurs locaux franchisés, le réseau PlumpyField, assurant l’autonomie nutritionnelle des pays dans lesquels le produit est fabriqué et distribué. « Tout a été pensé dès le début pour rester alignés avec notre mission et notre mandat. Nous avons choisi un modèle d’entreprise familiale pour être libres. Nous pouvons ainsi faire des choix stratégiques qu’une entreprise ordinaire ne pourrait pas faire aisément, par exemple investir au Soudan ou au Darfour. » 

En 2015, Nutriset a également été la première entreprise française à adopter le statut de Société à Objet Social Étendu, dont la mission dépasse la seule recherche du profit. « Ce statut qui pérénise notre mandat initial engage tous nos actionnaires : ils ne sont pas là uniquement pour toucher des dividendes, mais pour partager nos valeurs ». A 68 ans, Michel Lescanne, « l’homme qui fait rimer humanitaire et bonnes affaires »[1] se réjouit que ses filles, Adeline et Faustine, poursuivent sa belle aventure.

Une telle cohérence est rare et inspirante. Car avoir un impact positif par son travail, sans sacrifier son épanouissement individuel, est un défi exigeant. Entre aspirations généreuses et contraintes limitantes, comment trouver sa ligne de crête ?

L’idéal à l’épreuve du réel 

« Mettre le travail au service du bien est un exercice beaucoup plus complexe que maximiser le profit en suivant les préceptes de Milton Friedman – ça, on sait très bien le faire depuis une quarantaine d’années » pointe Denis Machuel, ancien Directeur Général du Groupe Sodexo. 

A ses yeux, œuvrer pour le collectif passe par « donner un sens à l’entreprise et à son corps social via une mission forte » qui enrichit le travail quotidien, nourrit l’engagement des équipes et favorise l’épanouissement de chacun. Hélas, ce cercle vertueux se heurte à la dure réalité : « Une fois le sens trouvé, il faut le faire vivre… et parfois, c’est déceptif. » Car les dilemmes sont inhérents à la complexité du monde du travail et à sa multiplicité de parties prenantes. Défendre des standards sociaux ou environnementaux ambitieux peut ainsi conduire à renoncer à des opportunités d’affaires - ou à perdre des clients moins exigeants en la matière. 

Les managers sont confrontés en permanence à des cas de conscience et à la nécessité de réaliser des compromis, qu’ils soient obligés d’ajuster leurs effectifs en temps de Covid pour assurer la survie de leur entreprise ou de maintenir des activités en Russie alors que la guerre fait rage en Ukraine. 

Le manager, ce funambule virtuose

Comment trancher dans ces situations complexes où des intérêts opposés s’affrontent ? Denis Machuel compare le leader à un funambule : « Il a besoin d’un fil : le cap qu’il s’est défini. Mais aussi d’un poids pour le lester : son ancrage, qui l’aide à prendre ses décisions. Et enfin d’un balancier pour osciller entre ses différentes parties prenantes, sans perdre son équilibre. » Il doit aussi faire preuve d’humilité : impossible de tout régler, même en position de responsabilité. « Tous les combats ne sont pas entendables ou acceptables. Il faut savoir choisir ses batailles et faire preuve de beaucoup de pédagogie pour expliquer à ses parties prenantes les bénéfices à long terme de certaines actions. Lorsque j’ai cherché à déployer un programme anti-gaspillage alimentaire chez Sodexo, je me suis heurté à des résistances. Finalement, mes vues ont prévalu. Mais en tant que dirigeant il faut s’attendre à des tiraillements réguliers. » 

Pour se préparer à ces défis, Denis Machuel conseille aux managers de bien se connaître et de rester eux-mêmes. « Il faut accepter ses propres contradictions tout en visant la cohérence dans ses actions, essayer d’exprimer au maximum sa liberté, malgré les limites. »

Changer de mindset – Think positive !

Pour certains, (se) faire du bien au travail nécessite de changer d’angle de vue, voire de job - les deux processus vont souvent de pair. Adepte de la psychologie positive, Valérie Mas (H.00), dit avoir suivi une carrière de « bonne élève » chez Total mais s’y être « endormie ». Elle s’est réveillée en prenant le risque de « tout plaquer » pour monter la greentech WeNow, qui lutte contre le réchauffement climatique. « Les enfants de deux-trois ans ont des bouffées d’enthousiasme toutes les deux ou trois minutes, les adultes, deux ou trois fois par an seulement » sourit-elle. « Notre cerveau, hérité de nos ancêtres préhistoriques, est câblé pour se centrer sur ce qui va mal. Pour lutter contre ce biais de négativité, il faut nourrir notre enthousiasme en se lançant dans les projets qui nous portent. L’enthousiasme est contagieux et moteur de l’action. » 

Même constat pour Pierre-Etienne Bidon, qui a quitté un cabinet de conseil prestigieux pour fonder avec un ami moka.care, qui aide les entreprises à prendre soin de la santé mentale de leurs collaborateurs. « Nous avions auparavant une relation transactionnelle au travail : donner de notre temps en échange d’un salaire. Cela entretenait une insatisfaction permanente. Aujourd’hui nous nous appliquons à créer au sein de la communauté moka.care des relations de confiance sur le long terme, qui nous rendent heureux. »

Pour poursuivre sur ce caractère central de la relation aux autres, Louis Faure (H.17), executive coach et co-fondateur du cabinet Eotekum, qui développe un projet en partenariat avec l’école HEC et le réseau des alumni appelé « companionship for a purposeful career »,  insiste sur l’importance du soutien des autres pour grandir. « Pour tenir sa ligne de crête, l’ancrage et de la connaissance de soi sont essentiels. Prendre les décisions qui sont justes, en liberté, implique d’accepter de lâcher des attachements. Et c’est difficile. Seul, on a beaucoup de mal à résister à ce qui nous entraîne à côté. On a besoin de compagnons et de confrontations bienveillantes pour pouvoir rester fidèle à ce qui est le plus précieux pour nous. »


Passer de l’intention à l’action

D’autres, de plus en plus nombreux, se repositionnent dans des métiers qui « font sens » au sein d’entités RSE et de structures de l’ESS. Après quatre ans dans le conseil, Louise de Rochechouart a ainsi rejoint l’Avise, association chargée de développer l’ESS et l’innovation sociale en France. Pour effectuer sa transition, elle s’est appuyée sur le programme On Purpose, dédié aux salariés du privé désirant rejoindre l’ESS : « Deux CDD de six mois dans deux structures différentes, Apprentis d’Auteuil et GROUPE SOS, m’ont aidée à découvrir de manière progressive le secteur et ce que je pouvais y apporter. » 

Sylvie Calais-Bossi (H.84) a travaillé dans la publicité avant de devenir Responsable du Pôle Raison d’Être / Société à Mission du cabinet des Enjeux et des Hommes : « Je supportais de moins en moins d’être harcelée par la communication, alors que c’était mon métier ! Ma rencontre avec le mouvement Colibri a fait office de déclencheur : j’ai décidé de mettre mes compétences en Brand Purpose de marques au service de la stratégie RSE des entreprises. » 

Quant à Bettina Reveyron, en charge de l’impact social chez Doctolib, elle a ressenti un tournant au moment de la COP 21 : « Les entreprises sont alors apparues comme des acteurs légitimes sur les questions environnementales et sociétales. J’avais travaillé dans le public ; c’était le bon moment de rejoindre le privé pour faire le lien entre bien commun et business. »  

A ceux tentés par une reconversion à impact, toutes trois recommandent de rencontrer un maximum de personnes pour sortir de la théorie. « Participez à des forums, des événements : ce sont de véritables bouffées d’oxygènes » souligne Sylvie : « Vous y découvrirez des réalisations concrètes qui redonnent espoir. » Un premier pas pour faire sens… tout en se faisant du bien !


Marianne Gérard pour HEC Life Project

 

[1] Selon le titre d’un article du Monde qui lui a été consacré : https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/06/08/michel-lescanne-l-homme-qui-fait-rimer-humanitaire-et-bonnes-affaires_4649245_3234.html


A propos du Festival HEC Life Project :

Le Festival HEC Life Project, c’est le grand rendez-vous annuel d’HEC Alumni qui mêle conférences, ateliers pratiques, coaching et networking pour repenser notre rapport au travail aux côtés de celles et ceux qui font bouger les lignes.

Contact : Mathilde Courtois-Bastie / mathilde.courtois@hecalumni.fr 

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